2 Neurones & 1 Camera

Olivier Thereaux

Dans les hutongs

Passons outre les petites aggressions inévitables lors de tout vol long courrier – et a fortiori les longs vols à escales comme celui-ci: les sièges côté fenêtre, le vieux qui pue au siège du milieu, l'excité du genou derrière, etc.

Somme toute, j'ai pu prendre une douche à Dubai et regarder des films en route. Le reste importe peu, et tant pis si j'arrive à Pekin dans cet habituel etat de torpeur quasi hallucinatoire que garantissent 36 heures sans dormir.

Une première: au désembarquement, dès la sortie de l'avion, une jeune femme en uniforme, seule, tenant un signe qui écorche si bien mon nom que j'hésite un instant à l'ignorer. Choisissant sagement d'éviter les incidents diplomatiques, je m'annonce.

Faute de langue commune – mon mandarin est à peu près aussi développé après quelques mois de cours du soir que son tailleur est riche. Le peu de conversation qui s'ensuit dans les interminables couloirs de l'aéroport me donnent aussi peu de détails qu'ils me donnent le temps d'imaginer le pourquoi du comment de cette escorte.

Probable: une entrevue VIP avec quelques autres collègues en uniforme. L'obtention d'un visa "business" s'étant avérée fastidieuse pour cause d'employeur ayant une certaine notoriété pour ses activités journalistiques parfois urticantes pour les régimes un tantinet enclins au contrôle du message à outrance. J'avais gagné le match aller en jurant crachant que moi, je fais de la technologie; le journalisme et la politique, moi, vous savez, pfft! Je vois le match retour à l'horizon.

Un brin de confort à l'idée que ce tête-à-tête pourrait bien remplacer une heure de piétinement dans ce qui ressemble vaguement (avec un peu d'imagination) à une file d'attente aux guichets d'immigration: on me fait passer par la file "cas spéciaux", qui se trouve être aussi vide de clientèle que la madame au guichet manque de curiosité. À peine un œil jeté à la paperasse, tampon, ciao.

Passée cette formalité, la demoiselle en uniforme me guide vers la salle suivante, ignorant à mon grand dam tout plein de ses collègues officiels et officieux et leurs bureaux au bout de couloirs interdits au public. Non, non, elle me guide au bout de sa mission - le caroussel aux bagages, et puis merci, bon séjour.

Je ne comprends absolument rien à ce cirque ni même à quoi il aurait pu rimer.

Un poil parano, je me souviens de l'avertissement proféré quelques jours auparavant: tu seras suivi. Je leur souhaite bonne chance à suivre mon taxi dont le conducteur passe une bonne demi-heure à fumer hors de son véhicule, au milieu de l'autoroute, en attendant que l'embouteillage sorti de nulle part façon flash mob, se résorbe. Plus tard, avec toute la bonne volonté du monde, il m'amènera enfin... au mauvais hôtel.

Enfin seul et au bon hôtel après une promenade guidée à travers les hutongs, je déballe et m'aperçois: non seulement le cadenas de ma valise a été ouvert; il a été remis sur la mauvaise fermeture éclair.

De nuit comme de jour, c'est vers les hutongs que je gravite.

Passée la première surprise à la vue des allées de JiaoDaokou bien embourgeoisées, avec leurs cafés vegans et autres petits magasins de fringues où j'achèterais volontiers tout, décor compris, c'est la vie qui me touche.

Au soleil couché les vieux comme les jeunes vaquent et font leur gymnastique dans les parcs, des tablées d'hommes tannés de soleil et de nicotine jouent au carte ou au mahjong sur des tables basses en plastique tout droit sorties de mes souvenirs des années 80, et s'approprient le trottoir.

Au matin, j'ai beau aller voir les incontournables - et en effet la vue de la cité interdite depuis le parc de Jinchang est à couper le souffle - il y a quelque chose de stérile dans cette foule armée de selfie-sticks™, dans ces groupes affublés d'un même chapeau bleu pour ne pas se perdre.

Vite fait, je retourne traîner mes baskets dans les allées de poussière, zig-zaguer entre les piles de gravier et les épaves de vélos, et éviter tant bien que mal de me retrouver passager clandestin de tous ces scooters électriques dont le moteur est aussi silencieux que leurs sonnettes rivalisent de cacophonie.

Un autre matin et je m'offre le repos du guerrier après les pérégrinations de la veille sur la grande muraille. Attablé à une terrasse à la sortie de Fangjia 46, une tasse de café médiocre en main, le soleil matinal qui tape déjà, et la charmante petite vieille qui fait le ménage dans son café à peine ouvert sous les jérémiades d'un Best Of de Bob Dylan.

Dans la cour, on s'affaire aux préparatifs d'un mariage.

Les chaises sont déjà alignées sur le gazon, un type, le téléphone glué entre l'épaule et le menton gonfle des ballons roses et bleus pastel à l'helium. Le gros de la préparation semble principalement se faire en courant à droite et à gauche et en braillant au téléphone.

Me craignant offusqué de ce tintamarre, ma petite vieille m'offre refuge sur son toit. Je refuse de mon meilleur "haode" – c'est de cette vie que je me ressource, et je n'ai rarement été plus heureux et serein qu'en cet instant.

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