Dans la baie de Sagami
Fevrier 2018. Publié: Avril 2018
Mes voyages au Japon sont souvent déclencheurs de profondes ruminations existentielles, un défilé de "et si... et si..." qui ne mène jamais loin. Arrivé à Haneda sous ce ciel bleu laiteux d'hiver qui presque plus que tout me rappelle mes premiers pas nippons, je me laisse aller à un peu d'aléatoire et prends le premier train qui passe et me mène, plutôt qu'à Tokyo, à Yokohama.
La mer, le silence, le rythme de vie loin de la métropole qui se réinvente encore une fois, pour les jeux olympiques cette fois, ce choix conscient et inconscient sera le thème de ce petit séjour, en parenthèse avant un périple de Tokyo à Osaka en passant par Kobe, avec un emploi du temps de ministre et parfois tout le protocole qui va avec.
Pour l'instant, alors que le béton défile, je calcule: à trois cheveux près, j'ai passé aussi longtemps hors du Japon depuis mon départ pour Montréal que j'en avais passé à y vivre. Futile arithmétique, mais quand même.
Sur mon chemin, je prends un café près de la gare de Yokohama, pour cacher ce teint gris que me donne avions et aéroports. Autour de moi, l'une brode, une ou deux autres étudient. Une autre mange. Beaucoup de femmes en ce jeudi matin, jusqu'ici rien que du familier. Deux couples dans mon champ de vision, l'un complice, l'autre dégoulinant de sourires béats; deux hommes la cinquantaine en discussion profonde, ponctuée de longs silences les bras croisés pour réfléchir plus fort. Et faute de comprendre tout ce qui se dit autour de moi, j'observe et absorbe.
À Hayama je n'ai pas vu l'empereur. Il y a bien une résidence, à deux pas de mon chez-moi temporaire sur la plage, mais il n'y est pas. C'est l'hiver, et si sa résidence balnéaire partage avec la mienne une propension à "vraiment faire ressentir le passage des saisons", comme le veut l'euphémisme de rigueur, je le comprends.
Emmitouflé dans mon petit bonheur, dans les ruelles vides et les plages désertées de tous sauf peut-être une paire de petits vieux promenant leurs chiens, à l'arrêt de bus ou je fais dégringoler la moyenne d'âge et au café ou je passe mes matins décalés à écrire au son des pipelettes en doudoune, j'imagine aussi l'été: les surfeurs au bronzage plus-que-parfait, les badauds, les tokyoites en vadrouille. Et l'empereur.
À deux pas c'est Kamakura, que je croyais connaître mais redécouvre au rythme des pas d'un enfant, guidé par ses envies. Ignorant tout du lieu, doté d'un sens de l'orientation pire encore que le mien, l'enfant n'a que son champ de vision pour naviguer et que son corps et quelques mots pour justifier ses choix. Par ici, par là, on s'arrête, on repart. Il nous fait découvrir l'homme-pin, redécouvrir le son du gong des temples et l'apparition terrifiante des gardiens Kongōrikishi.
Finalement, au dernier matin… Fuji se dévêtit de sa brume. Ni timide ni m'as-tu-vu, il est là, impérieux, il trône dans un paysage qui n'attendait que lui. Depuis mon gîte de passage, ayant ouvert la fenêtre pour un dernier regard sur la baie de Sagami, je le découvre, m'écrie, cours comme un gamin vers le sable, vers cette vue, décidant sur le champ que non, bien entendu, je ne rentre pas, je reste ici, la vie d'adulte peut aller se faire voir, moi, je déménage sur cette plage.
Cinq minutes plus tard, je gèle un peu alors soit, battons retraite, mais temporairement. Le bien nommé café Inuit ouvre ses portes, rien que pour moi, sans doute le seul touriste à la ronde en ce février grelottant, mais moi, j'ai vu, je sais, j'ai vécu ne serait-ce que quelques jours la douce solitude du voyageur hors-saison.
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