demi mesure… A la louche.
De tous les romantismes préconçus qui font en permanence affluer les Japanophiles (avant que, 6 mois plus tard, la vérité ne les renvoie, queue basse, au bercail), il n'en est de plus erroné que celui-ci: le Japon serait une terre de demi-mesure, une culture de paix et d'harmonie... Sans tomber dans le préjugé contraire, je serais bien tenté de conclure, au contraire, que le Japon est une culture extrème, en perpetuelle violence contre soi, contre son environnement, contre ses habitants.
Kyoto est un frappant exemple de cette violence.
Paradoxalement, en dépit de tous ses jardins et ses temples, Kyoto la raffinée, la subtile, est mon meilleur exemple d'auto-mutilation nippone. Epargnée par les bombardements, certes, mais pas par 50 ans de "betonisation forcée", il ne reste plus a l'élégante que quelques vestiges de sa beauté passée: outre les très nombreux temples, deux ou trois quartiers de vieilles maisons. Ailleurs, le même béton hideux et rampant que partout ailleurs...
Ce qui n'empèche nullement les japonais, pour qui, à raison, Kyoto est un des rares derniers havres de beauté, d'y accourir en masse, tant est si bien qu'il est quasi-impossible de profiter de la tranquillité des lieux à moins d'être singulièrement doté de vision - et audition - tunnel, que d'ailleurs l'éducation japonaise s'efforce de developper dès le plus jeune âge. Le goût pour Kyoto, extrème encore, se solde par une violence mercantile, pietinante, faite au moindre sanctuaire.
Et pourtant, Kyoto a de la chance de n'être qu'envahie par des hordes de touristes japonais, fort bien élevés au demeurant; Kyoto a de la chance d'être un site culturel plutôt que naturel. Pour ces derniers, le tableau est encore un peu plus sombre.
Les gouvernements des cinquante dernières années, lancés dans une dynamique sans frein, sont ici les principaux coupables. Faisant peu de cas de l'amour auto-proclamé des japonais pour leur environnement, tend à préférer à la conservation des sites naturels une politique d'exploitation forestière, de construction de routes, digues et barrages, qui à défaut de conserver l'incroyable beauté des paysages de l'archipel, se sont avérés assez profitables, à court terme au moins, pour l'économie, ne serait-ce que grâce à la santé dodue de l'industrie de la construction qu'elle génère...
A voir la foule déjà bien trop nombreuse se bousculer à l'entrée des temples, à Kyoto comme Nikko ou Kamakura, je m'avoue grandement sceptique quant aux plans grandioses du premier Ministre Koizumi, un poil jaloux de la France ou des Etats-Unis (avec lesquels le Japon entretient un déficit touristique pantagruelique), et apparemment convaincu qu'il suffira de faire passer deux ou trois photos de geisha sur les ondes pour faire affluer des millions de touristes étrangers. Mais à défaut d'infrastructures et de sites assez nombreux, il faudrait qu'encore plus de nippons aillent se balader ailleurs pour faire la place aux étrangers, ce qui n'arrangerait pas les affaires de Koizumi et écorcherait au passage les sensibilités xenophobes [Note amicale de la France au Japon: recevoir de nombreux touristes étrangers, on s'y fait, et c'est même plutôt agréable].
Il ne reste comme solution plausible que la réhabilitation des sites naturels et culturels, et la création sur ces sites de pôles touristiques. Ce qui implique, en toute simplicité, de changer les habitudes de la bureaucratie japonaise en la matière...
L'espoir subsiste, cependant. De petites communautés d'amoureux de vieilles pierres (ou, en l'occurence de vieux rondins), a Kyoto et Shikoku, sauvent de vieilles maisons de la destruction, les rachetant à bas prix, les retapant, protegeant de fait, farouchement, des quartiers entiers de la ruine (culturelle) et du beton...
A lire à ce sujet : Dogs and Demons: Tales from the Dark Side of Japan, par Alex Kerr
olivier, lundi 17 novembre 2003, 7:32
Avant/Après
A Ebisu, a quelques encâblures du bouillonnant "Garden place", trône une vieille dame majestueuse. Une vieille maison japonaise, immense, mystérieuse, dont les regards indiscrets peuvent entr'apercevoir le jardin à travers le muret. Pour un seul après-midi, cette maison était ouverte à nos regards, à l'occasion d'une vente de garage qui ne présage pas d'un avenir radieux pour ce monument. A…
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Novembre 2003: Feuilles d'automne à Kyoto
… À suivre / 17 photos