Les éléphants sont cousins des nuages
J'ai vécu ici, pendant plus d'un an. C'était un quartier sage, un peu triste tant il était mal entouré, d'usines de piles, usines chimiques.
D'abord... D'abord ils ont rasé, tout, systématiquement. C'était après mon départ pour une ville plus belle. Après mon abandon. Ils ont viré les usines, les immeubles, les maisons et les petits sanctuaires de quartier, ne laissant qu'un terrain vague, plus tard transformé en parking géant pour des lignes et des lignes de camions blancs, fabriqués pas loin.
Et puis ils reconstruisent, déplaçant des montagnes de terre, creusant, posant à l'aveuglette des fondations éparpillées sur ce terrain de mes drôles de souvenirs. L'avenir y palpite de pourquoi pas.
Je vis ici, depuis presque un an. C'est un quartier gai, vivant, jeune et plein d'histoires, social et insouciant.
D'abord... D'abord ils rasent. L'horloge de la gare, parce que tout le monde a déjà l'heure, et sur le parvis on ne voit plus jamais le raconteur de mangas, hirsute et rauque. La boulangerie et le cordonnier, pfuit! aussi. Plus tard les petits bars improbables le long de la voie.
Et puis ils construiront. Une belle ligne d'asphalte pour les voitures jusqu'ici non grata, dans la ville ou les pietons étaient rois. Et de gros batiments bien riches, clinquants et inutiles, pour du luxe encore, et des taxes, supplément d'âme griffé. Les pattes des décideurs et les bulldozers bien graissés, tout le monde est content.
La ville se réinvente; elle se détruit et se construit, toujours, depuis toujours, mais pas toujours bien inspirée…